Dans un texte précédent, j’ai déjà souligné combien le livre de recettes de Mad Men est marquant. Culturellement marquant parce qu’il définit l’identité culinaire nord-américaine des années 60 en pleine effervescence (la bouffe maison vs celle de l’industrie, le terroir vs les influences extérieures plus «exotiques», le changement de l’alimentation à l’ère du développement technologique) et intimement marquant pour tous ceux qui ont cuisiné et/ou grandi au milieu de ces recettes simples qui, n’ayons pas peur de l’avouer, ne se préoccupent pas trop de la quantité de gras, de sel ou de sucre dans les assiettes et encore moins de la quantité d’alcool qui coule lors des soirées mondaines. Mais quel plaisir!
Pourquoi ne pas faire la même chose un samedi après-midi, shall we?
Si la température n’était pas aussi maussade, il est clair que cette bière aurait été sirotée au soleil, les pieds dans l’herbe verdoyante et grasse. Ce n’est peut-être pas la bière hollandaise bue dans l’épisode A Night to Remember de Mad Men mais la Beck’s est tout aussi rafraîchissante. Qui dit pretzels, dit bière: c’est un duo amer et salin qui chante dans la bouche. Ce cercle vicieux nous convainc presque d’aller plonger la main dans le sac avant la sortie de l’apéro.
Comment pimper en douceur la fameuse bouchée céleri-Cheez Whiz? L’idée n’est pas de vouloir réinventer la roue, mais de oumpfer ce goût très familier. Fromage à la crème, mayonnaise, olives farcies et amandes rendent hommage à l’idée d’une bouchée plus adulte. Je considère cette mini-entrée comme le fondement de l’idéologie américaine: elle promeut l’idée de la liberté de goût. Vous n’aimez pas le fromage à la crème? Parfait! Il y en a des centaines d’autres! Les olives farcies vous écoeurent? Pas de trouble, il existe d’autres couleurs, d’autres textures, d’autres goûts! Les amandes vous font gerber? Noix de Grenoble, pignon de pin, pistaches, name it you got it!
Les oeufs farcis sont les rois des fêtes et du finger food, des amuse-gueules. L’hôtesse parfaite aurait grincé des dents à la vue de cette farce déposée librement dans les réceptacles blancs comme neige maiiiiiiiiiiis, comme je suis une femme moderne, j’m’en cogne passionnément parce que je revendique ma paresse raisonnée de temps en temps. Encore une fois, vous pouvez laisser votre imagination et vos doigts courir dans le frigo: un peu de mayonnaise et de moutarde forte par ici, un soupçon de ciboulette, de poivre et de sauce piquante par là. Le but de ce genre d’expérience n’est pas de convaincre vos invités de votre facilité à vous compliquer la vie avec des ingrédients recherchés mais bien de votre talent à les ramener à l’essentiel de ce type de repas: la familiarité. Ainsi, en vous alliant à la simplicité, vous aurez plus de temps pour partager.
Cette douce randonnée en terrains connus se poursuit avec des canapés aux champignons. Une cuisson adéquate des champignons libère une agréable odeur de terre et de bois humide. En les faisant sauter à feu vif dans le beurre, en ajoutant de la sauce Worcestershire et du parmesan, ils gagneront le coeur des plus exigeants.
Le cocktail de crevettes. Rétro, n’est-ce pas? Aujourd’hui, plusieurs achètent les couronnes de crevettes, malheureuses répliques du passé, noyées et fades. Je vous suggère de faire cuire de grosses crevettes déveinées dans de l’eau frémissante pendant 3 minutes dans laquelle ont été ajoutés des tranches de citron, des grains de poivre entiers et des tranches d’oignons. Afin d’éviter une texture caoutchouteuse, les crevettes ne doivent pas trop cuire! Laissez-les refroidir au frigo pendant une vingtaine de minutes. Accompagnez cette entrée de petits morceaux de céleri et d’une sauce chili au raifort. Vous ne regarderez plus jamais la classique couronne de crevettes de la même manière.
Je ne suis pas fan du fromage bleu mais je reste ouverte d’esprit. Je m’habitue peu à peu au goût singulier du Gorgonzola, Roquefort ou du Stilton. C’est pourquoi le quartier de laitue iceberg recouvert de bacon et de vinaigrette crémeuse au bleu s’est avéré très satisfaisant. De l’huile d’olive, du bleu et du vinaigre de vin rouge parviennent presque à me faire oublier la vinaigrette César. Presque.
Vous connaissez les diners des années 50, les baraques-restaurants préfabriquées ouvertes 24 sur 24? Je suis convaincue qu’ils y servent ce genre de dessert, un gâteau-fudge au chocolat. Il ne peut se retrouver ailleurs que dans un décor art-déco rose bonbon et turquoise avec un carrelage noir et blanc. C’est un dessert riche, moelleux et très sucré. Je m’imagine la serveuse en espadrilles blanches qui le dépose devant la bouche affamée de celui qui l’entame avec appétit. Ça lui rappelle les desserts de sa mère ou de sa grand-mère. Comme toile de fond, la graisse qui frémit sur la plaque chauffante, le cliquetis des ustensiles au fond des assiettes, le son lointain des klaxons des taxis étouffés par la pluie qui tambourine sur les fenêtres, l’odeur de la viande hachée et des oignons qui cuisent et les néons extérieurs qui clignotent. Un air de jazz sur une contrebasse. La silhouette de quelqu’un qui s’allume une cigarette. Tout ça pour un dessert.
C’est que la bouffe de Mad Men, ce plongeon rétro, n’est qu’une question d’enracinement dans la cuisine nord-américaine de maman. Et, de temps en temps, c’est bien agréable comme ça.
https://chatouillerlequilibre.wordpress.com/2012/09/23/mad-men-le-livre-de-recettes-non-officiel/