Les expériences culinaires amoureuses

La St-Valentin. L’excuse parfaite pour roucouler comme un pigeon à l’ouverture de la bouteille de champagne et faire les yeux doux à son conjoint pendant qu’on s’empiffre de chocolats haut de gamme. De son côté, il s’imagine peut-être qu’un vêtement glissera nonchalamment à côté du corps de sa douce à chaque remplissage de son verre (parce que mine de rien, commencer la soirée avec des bulles avant de manger, ça peut rentrer dans l’dash en tab…). De son côté à elle, elle espère ne pas être trop saoûle pour marcher, mais juste assez pour avoir un certain contrôle durant la soirée.

Champagne Veuve ClicquotSi ce type de scénario avait à se pointer le bout du nez (ou de la rose, parce que c’est toujours plus agréable de recevoir un bouquet de roses que de nez même si je suis pas trop flower power), c’est clair que nous, les réalisateurs, acteurs, monteurs et gérants de cinéma de notre intimité (vraiment, ça demande beaucoup d’attention sur tous les plateaux de notre longue séquence amoureuse), nous n’aurions jamais voulu reproduire cette scène classique dans un restaurant. Remarquez que je n’ai absolument rien contre les gens qui s’excitent à enlever leur ceinture de pudeur dans les lieux publics, mais ce n’est pas là la question; j’veux parler de bouffe, pas de touffes.

Idée de génie du siècle du vendredi 14 février: rester en légère tenue, au chaud, chez soi, au naturel plutôt qu’en paillettes, les pieds dans des bas en poil de moumou qui glissent partout plutôt que dans les talons hauts. Meilleure décision à vie de choisir le traiteur de l’Europea pour nous sentir chouchoutés par toute leur bienveillance et leur savoir-faire. Ils pensent à tout, vous savez.

Traiteur EuropeaC’est en me délectant d’avance en bavant allègrement sur mon clavier que j’envoie un courriel à Europea Espace Boutique pour leur énumérer ce que je voudrais bien me mettre sous la dent. Je prends même la peine de spécifier que je ferais des bassesses pour du chocolat au dessert et que mon copain est friand de fruits ou de caramel. Sans péter votre bulle, sinon sans vous tenir en haleine inutilement (ou en mauvaise haleine si vous lisez cette histoire au réveil ou que vous souffrez d’halitose (va falloir faire checker ça parce que ça scrape les bonnes expériences culinaires)), ma requête ne s’est pas retrouvée dans le département des espoirs perdus. Petit bémol: même si leur menu par internet est très accessible, l’idée d’un formulaire avec des cases à cocher, à remplir et à envoyer par courriel ou par fax afin d’alléger la tâche sans devoir répéter sa commande de vive voix ou par écrit aurait été la bienvenue. Mais bon, c’est la nourriture qui intéresse.

Formule tout froid

Comme j’ai choisi un repas qui se mange froid, la faim se comble rapidement. En entrée, nous dégustons une salade d’endives recouvertes d’une généreuse portion de Bleu Bénédictin. La qualité exceptionnelle des tomates cerises, des raisins et des noix de Grenoble montre bien la mission de l’Europea, de leur restaurant jusqu’au traiteur: offrir le meilleur, que ce soit dans le plus petit détail ou dans la simple présentation de l’aliment.

Les plateaux repas sont soigneusement placés dans des grandes boîtes blanches et grises enveloppées par l’amour du bien-faire. Une aura semble émaner autour de ces plateaux étampés par le sceau de l’excellence culinaire. En ouvrant la boîte, nous voyons que tout est prêt: le beurre, le sel et le poivre sont offerts de même que les couverts qui sont délicatement retenus par du ruban argenté. Chacun des plats est méticuleusement disposé dans un cocon de plastique transparent afin que notre regard puisse s’en prendre plein la gueule avant même que la main ouvre maladroitement les coffrets dans un tourbillon d’excitation.

À moins de 30$ par personne, nous profitons du foie gras et du saumon fumé en entrée, de l’appétissante queue de homard avec une rémoulade de céleri rave à l’huile de truffe ainsi que des tranches ultra-tendres de rôti de veau accompagnées de légumes grillés rappelant la réconfortante ratatouille. Après le repas principal, nous goûtons à un excellent cheddar de chèvre noir et des figues bio.

Cheddar chèvre noir et figue

Pour dessert, ils ont tout compris: je suis morte de plaisir sur place avec ma dose de chocolats et mon conjoint s’est réjoui de sa tarte à la framboise et à la pistache.
Tarte au chocolat
Tarte framboise et pistache
Mais ce n’est pas tout! Croyez-vous vraiment que j’allais satisfaire ma curiosité en arrêtant mon choix que sur un seul dessert?
Macarons et tache de vin
Je veux des macarons! J’exige des macarons! J’ai laissé le choix de la palette de saveurs à la maison et je suis agréablement surprise par celui au chocolat et à la noix de coco.
Paris-Brest
Le Paris-Brest, pâte à choux aérienne fourrée de crème mousseline pralinée avec d’énormes noisettes et des amandes effilées, est chaudement accueilli pour satisfaire la rage de noix.

Malgré tout ce plaisir, il y a un MAIS, un gros MAIS. Soyez avisés: ça n’enlève rien aux talents de l’équipe et du chef Jérôme Ferrer, je reconnais leur dévouement pour la bonne chère, le service à la clientèle impeccable et l’écoute attentive des besoins gastronomiques d’autrui mais… en ce moment, depuis quelques temps, ce n’est plus ce qui me fait vibrer. Ça, ça m’appartient, c’est à moi, c’est ma perception et ça n’a rien à voir avec la critique: en fonçant vers cette expérience, elle me montre que j’emprunte une autre voie, tout simplement, et je ne regrette surtout pas mon choix.

Pourquoi toujours courir ce que la critique considère de ce qu’il y a de plus beau, de plus bon, de plus bien pour flasher? Parce qu’au fond, c’est ça finalement: c’est de montrer aux autres, ultimement pour se convaincre soi-même, qu’on a des papilles de qualité et assez de goût pour être capable de se le permettre et je ne veux plus nourrir cette idée. Justement, je préfère être de ceux qui encouragent et qui s’émerveillent à la simplicité (et c’est en partie ce que j’ai trouvé chez Europea): la planète est déjà saturée de gens qui critiquent. Hé ho, inutile de me juger pour le champagne: c’est une tradition, pas une influence extérieure. 🙂

Je respecte et reconnais mon réel plaisir relié à cette expérience gastronomique, mais pour moi, l’Europea n’est plus une finalité en soi. Je me rends compte qu’en réalisant cela, la pression que je m’étais mise sur mes épaules s’est évanouie. J’ai entrevu le décor de l’Europea, ses artistes, sa cuisine et je ressentais un profond malaise mêlé d’admiration et d’excitation sans borne. Dualité sentimentale trop forte qui m’a coupé l’appétit. Ce n’est pas que je ne le mérite pas, c’est que, dorénavant, je cesse de tenir entre mes dents l’idée que je serai bien plus heureuse si je participe au spectacle entourant ces repas. Ce n’est plus ma réalité. J’y retournerai sûrement, un jour, juste pour voir, pour le plaisir.

Ce n’est pas nécessaire de m’impressionner avec le plus complexe, le plus recherché de tout; j’étais déjà sur le cul en constatant la fraîcheur de la noix de Grenoble dans ma salade ou l’explosion en bouche de la framboise au dessert. Il en était de même avec la figue et le pain. C’est de savoir quoi faire avec ce qu’on a, aliment recherché ou pas et, surtout, de bien le faire, en renouvelant à chaque fois la démonstration de son respect et de sa passion pour la nourriture.

Crostini au saumon fumé, roquette et tartinade crémeuse de poivron rouge

Il est 15h30 et c’est le temps de l’apéro. Un cosmo à la canneberge par ici, un autre par là. L’appétit me ronge les boyaux alors que la sauce à spagh mijote doucement sur le feu et que l’alcool me chatouille le corps.

J’ai faim. J’veux une entrée décadente, une bouchée toute en texture, toute en saveurs. Je fixe mon envie sur du saumon fumé mais je n’ai pas le désir de le voir s’échouer sur une tranche de pain beurrée et noyée dans le jus de citron.

Tic-tac-tic-tac-tic-tac… Eurêka!

Crostini au saumon fumé, roquette et tartinade crémeuse au poivron rouge

CROSTINI AU SAUMON FUMÉ, ROQUETTE ET TARTINADE CRÉMEUSE AU POIVRON ROUGE

(8 bouchées)

– 4 tranches de pain italien de campagne coupées en 2

– huile d’olive

– 1/2 paquet de fromage à la crème

– 1 poivron rouge grillé

– 1/4 tasse d’oignon blanc

– 1 c. à soupe de câpres

– 1 gousse d’ail

– 1 c. à soupe d’aneth frais

– 1 grosse pincée d’épices italiennes

– 1/2 c. à thé de poudre de chili

– un trait de jus de citron

– sel et poivre

– roquette

– saumon fumé

– zeste de citron

1. Badigeonner les 8 tranches de pain d’huile d’olive de chaque côté et les disposer sur une plaque à cuisson. Faire rôtir jusqu’à ce que le pain soit doré. Réserver.

2. Pendant ce temps, mélanger au robot culinaire le fromage à la crème, le poivron rouge, l’oignon blanc, les câpres, l’ail, l’aneth frais, les épices italiennes et la poudre chili. Ajouter un peu de jus de citron et en rajouter si l’appareil n’est pas assez crémeux. Assaisonner au goût.

3. Tartiner le pain du mélange au poivron rouge, déposer quelques feuilles de roquette et le saumon fumé. Saler, poivrer et saupoudrer de zeste de citron. Arroser d’huile d’olive et accompagner le crostini avec des olives noires.

Il vous restera sûrement de la tartinade et du saumon fumé. Inutile de préciser qu’en les servant sur un bagel chaud le lendemain matin, votre petit déjeuner est déjà tout préparé!

COSMOPOLITAN (version de mon chum, c’t’à lui)

(1 shaker complet)

– 1 lampée de Triple Sec

– 1 lampée de Vodka

– 1 c. à thé de sirop de framboises

– Jus de canneberge

– Framboises glacées

– Glaçons

– Verre à martini

– Shaker (ou coquetelier)

1. Mettre tous les ingrédients dans un shaker sauf les framboises (et le verre à martini tant qu’à y être parce que de la vitre entre les dents, c’est pas poli). Bien mélanger jusqu’à ce que votre gras de bras soit engourdi et verser dans le verre à martini. Ajouter les framboises et siroter lentement jusqu’au souper ou caler jusqu’au mal de tête, je respecte votre rythme.

Pendaison de crémaillère

Constatations matinales: le bain est rempli d’eau où gisent quelques bouteilles de bière. La porte du lave-vaisselle est ouverte, exhibant de belles assiettes blanches et beaucoup d’ustensiles de cuisson. La cuisinière est jonchée de petites assiettes à dessert salies par les petits fruits et la crème fouettée. Mon robot culinaire est encore branché, les poubelles sont pleines, les armoires à verres sont vides et je n’ose même pas regarder dehors. Trop tard, j’ai vu la scène du crime… Il y a tellement de bouteilles de bière et de vin dressées sur la table de patio qu’on dirait la ville de New York esquissée maladroitement.

Les souvenirs frais de notre pendaison de crémaillère refont surface et je me mets à rire. Une invitée échappe du jus de viande sur sa cuisse, mon conjoint tombe en bas de sa chaise (heureusement qu’il n’était pas blessé parce que, évidemment, j’étais morte de rire donc incapable d’aller l’aider à se relever après avoir entendu sa chaise faire un «crac») et quelques fragments du tournoi de blagues grivoises reviennent à mon esprit.

C’est qu’elle était parfaite cette soirée, très arrosée et les invités s’entendaient harmonieusement bien. Cette célébration représente pour moi l’aboutissement de tous les efforts que nous avions faits pour faire de notre nid un endroit agréable, pratique et surtout gourmand. C’est aussi une façon de rencontrer de nouvelles gens, de faire des liens entre les anciens et les nouveaux amis et surtout ça donne une maudite bonne excuse pour savoir qui va se rendre jusqu’au bout de mon menu!

Le menu s’est réalisé dans un bouillon d’idées fort simples, généreuses en saveurs et en quantité. Des olives farcies à l’ail, du chorizo, des pailles au cheddar fort, des pois chiches grillés aux herbes italiennes et au parmesan ouvrent l’appétit avec facilité. Un pichet d’eau glacée au concombre désaltère rapidement celui qui s’expose à la chaleur de l’été.

Afin d’apprivoiser le goût et de faire briller les yeux des invités, je prépare deux petites bouchées crémeuses. Sur un Triscuit, je dépose de l’hummus maison et du poivron rouge grillé. Pour la deuxième, je beurre une croustille d’aneth épicé de la marque Choix du Président d’un mélange crémeux de saumon fumé norvégien, de fromage à la crème et d’oignon rouge et le tout couronné de caviar. Je n’ai aucun regret d’avoir utilisé 2 produits usinés pour qu’ils agissent à titre de canevas. Ces deux amuse-papilles se sont envolés comme des petits ponchos (sic).

Vous vous dites probablement qu’une trempette de légumes, c’est tellement ennuyant et tellement cliché! Peut-être, aux yeux des blasés, mais aux yeux des coeurs légers, la trempette est synonyme d’été, de fraîcheur et de facilité pour développer le maximum de saveurs. Lasse de prendre les mélanges commerciaux souvent fades, j’opte pour des oignons blancs et de l’ail qui suent quelques minutes dans un gros poêlon. Lorsque l’appareil est tiède, j’incorpore de la mayonnaise et de la crème sûre auxquelles j’ajoute de la ciboulette, un peu de sel et de poivre. That’s it, that’s all. Pourquoi faire compliqué?

J’aime beaucoup les légumes grillés et le feta. Cette salade de rotinis au feta, olives noires, tomate cerise, concombre et poivron grillé à la vinaigrette aux tomates séchées fait le plaisir de tous sans contredit pour son goût familier et franc.

J’espère recevoir une mention honorifique du Guide alimentaire canadien pour avoir gavé mes invités de légumes frais! Blague à part, cette salade de brocoli, raisins de Corinthe, amandes grillées, oignon rouge et vinaigrette crémeuse à la framboise en a étonné plusieurs. J’ai même entendu que jamais ce mélange n’aurait mis en appétit une de mes invitées qui n’aime pas du tout les raisins secs. Elle a maintenant changé d’avis!

Non, mais, eille, on l’a-tu l’affaire icitte?! Le barbecue est le meilleur des alliés, été comme hiver. Ces brochettes cuisent rapidement. Elles sont tendres, juteuses et leurs parfums explosent en bouche. Je les accompagne d’un riz au citron. Le poulet marine depuis plusieurs heures dans la mayonnaise, l’origan séché, le jus de citron, la moutarde de Dijon et dans l’ail. Le boeuf, quant à lui, baigne dans la sauce soja, l’ail, l’huile de sésame et le jus d’orange fraîchement pressé. Le porc est enrobé de ketchup, de vinaigre de vin rouge, d’ail, de poudre d’oignon et de sauce forte. Imaginez-vous toutes ces odeurs de viandes grillées qui embaument la cour et qui séduisent le nez de mes invités. Alléchant, n’est-ce pas?

Pour dessert, rien de plus léger qu’un gâteau des anges aux petits fruits et à la crème fouettée. Il était impensable pour moi d’exclure des fruits frais et le chocolat pour les fous de cacao. C’est salissant, grossier, mais c’est tellement bon de manger avec ses doigts!

Quelle soirée magnifique!

Chers lecteurs, ça fait du bien de revenir chez soi. Je vous remercie d’être venus me visiter pendant mon absence temporaire. M’enfin, ce n’était pas vraiment une absence: disons que je le vois plutôt comme un retour longuement mijoté afin de vous donner le meilleur de moi-même.

P.s. Pour mon anniversaire, mon conjoint m’a offert de la littérature pornographique.

À lire absolument en solo, en duo, en orgie!